Le profil des MOOCers
- marielacraneuse
- 24 mars 2022
- 7 min de lecture
Ainsi donc, les MOOC ont la particularité d’être massifs et ouverts à tous, ce qui signifie qu’ils font fît des distances, des horaires, des diplômes pour relier le savoir directement à l’apprenant en s’émancipant des freins traditionnels à la formation. À leur apparition, ils se sont imposés comme une révolution et une abolition des privilèges éducatifs réservés communément aux étudiants en formation initiale.
Pourtant, en fonction de leur thème, de leur ergonomie, des prérequis nécessaires, les MOOC ne s’adressent pas toujours à tout le monde. Non seulement ils ne peuvent être adaptés à chacun au regard de la diversité des situations et populations, mais ils ne répondent pas spécialement à un besoin commun, quelles sont donc les personnes qui se sont inscrits (jetées?) sur les MOOC lors de leur création ?
Dans les paragraphes suivants, nous allons survoler les différents profils de consommateurs de MOOC et en justifier leur utilisation.
Les MOOC et les étudiants, un complément de formation :
Les étudiants deviennent une cible élue quand on parle de MOOC certificatifs. Le premier MOOC certificatif a été mis en place par l’école centrale de Lille en mars 20131. Son caractère innovant transparaît à travers le fait qu’il ouvre l’obtention d’European Credits Transfer System2 (ECTS) et permet ainsi une véritable reconnaissance universitaire du MOOC. Les étudiants peuvent donc à travers ce genre de MOOC compléter leur formation initiale.
De plus, de nombreux professeurs n’hésitent plus à suggérer des MOOC à leur étudiants afin de compléter leur propre cours et approfondir un savoir, en dehors des heures allouées à la matière.
Pourtant dans la pratique, seulement 10 % des MOOCers seraient des étudiants. Selon Alain Mille : « Les statistiques montrent que ce sont les classes d’âge 20-40 et 40-50 qui sont de loin les plus représentées »3. Le profil type du MOOCer serait donc le cadre trentenaire, ce qui s’explique étant donné l’importance des compétences implicites requises de la part des usagers. Ces exigences ne sont pas toujours écrites, mais bien réelles.
Sur la plateforme FUN-MOOC –qui est groupement d'Intérêt Public (GIP) cofinancé par le Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, et les établissements membres4– les formations proposées sont à l’initiative et créées par des universités publiques, privées ou libres, cependant ce sont toujours des formations en lien avec le domaine académique et universitaire. Le niveau de savoirs et des prérequis est donc en corrélation directe avec le niveau de savoirs, d’autonomie et de capacité d’analyse et d’autonomie post-Bac.
Sur les plateformes, les MOOC doivent préalablement énoncer sur leur page de présentation, les critères prérequis parl’apprenant, sans lesquels la formation serait bien plus laborieuse. Nous pouvons voir par exemple que pour suivre le MOOC « Machine learning in Python with scikit-learn » proposé par l’INRIA5, il est prérequis de la part des inscrits de connaître les bases en programmation Python. De plus, et même si ce n’est pas explicitement notifié, cette formation est en anglais et nécessite donc une maîtrise suffisante de cette langue.
Il semble que les MOOC ainsi positionnés, ne sont massifs que parmi leur cible –leur public choisi– souvent déjà préformée et organisée.
À travers ces cas de figure, et malgré l’ouverture massive et démocratique des MOOC, nous constatons que ce dispositif de formation reste fortement adapté à un public étudiant ou post-étudiant.
Les MOOC dans le cadre des entreprises offre flexibilité et économies :
La mondialisation associée au numérique change profondément le fonctionnent des entreprises. Les entreprises sont éclatées, d’un point de vue géographique mais aussi en terme de domaines. Les différents pôles doivent collaborer à distance, rester cohérents à la culture d’entreprise et ouverts aux changements6. On externalise, on nomadise, on module les ressources humaines. Les entreprises ont donc trouvé à travers la formule du MOOC, un allié dans leur procédure de formation. Le MOOC permet de former un salarié sans débourser un sou pour son hôtel et son transport. Ils rendent inutiles les locations de salle et permettent de garder un employé à son poste, ce qui génère des économies en terme de main d’œuvre manquante, ainsi que des économies faites sur son remplacement. L’école supérieure de la Banque a mis en place avec AXA banque, BNP Paribas et LCL, le MOOC « culture bancaire » afin de former les conseillers bancaires (souvent issus de formation commerciales) à la complexité de plus en plus croissante des marchés financiers et des spécificités de ce métier7. Le MOOC ouvre donc des perspectives de formation continue pour les salariés au sein même de leur entreprise et de leur domaine de compétence professionnelle.
Le MOOC, même à destination des entreprises reste massif et donc accessible à l’extérieur de la communauté professionnelle. Quand une entreprise souhaite diffuser une formation uniquement en interne, elle passera par une forme de MOOC privé, dénommé le COOC8. Pour l’illustrer en restant dans le domaine bancaire : aucun employé de la banque n’est autorisé à exercer avant de connaître les bases et les réflexes qui permettent de lutter contre le blanchiment d’argent, la formation à distance tel que le COOC permet ainsi rapidement et efficacement de transmettre les informations essentielles sur place et de façon uniforme à l’ensemble des salariés à former.
Avec les mêmes avantages en terme de rentabilité et pour cibler certaines personnes dispatchées dans l’entreprise, et avec des taux de complétion plus élevés, le SPOC9, est une alternative au MOOC et au COOC.
En marge des entreprises, les administrations politiques locales, avec des budgets souvent moins prolifiques, peuvent se saisir des MOOC et en faire une aide précieuse. Sur la plateforme FUN-MOOC, de nombreuses formations, sur des sujets tels que l’urbanisme, les réglementations, les lois, et les enjeux écologiques peuvent aiguiller des élus qui s’engagent pour leur communauté sans avoir de cursus ni de formation initiale en ce sens. Les MOOC sont des instruments de remise à niveau, qui donnent aux élus les outils pour gérer et élever le niveau de qualité et de gestion dans leur communauté.
L’organisme public Pôle emploi a créé son propre programme de MOOC, « les MOOCs pour l’emploi »10 afin de booster les carrières et le retour à l’emploi, il finance aussi d’autres formations par le biais d’autre plateforme de MOOC11.
En effet le MOOC, constitue l’opportunité de massifier, de personnaliser, d’élever et de démocratiser la formation tout au long de la vie.
Les MOOC pour les public empêchés, une opportunité pour la formation tout au long de la vie :
Dans l’article « Distances, absence, proximités et présences : des concepts en déplacement » de Daniel Perraya, l’auteur développe plusieurs type de distance qui deviennent des freins à la formation, des « empêchements» à l’apprentissage pour un public dit « empêché ».La distance temporelle d’un cours traditionnel ne permet pas en effet aux salariés de suivre une formation synchrone. Les horaires de travail sont donc une source de distance à laquelle le MOOC remédie.
Les cours du soir pourrait être une solution, et l’ont longtemps été pour les salariés en demande de formation tout au long de la vie, mais la distance cette fois ci spatiale, empêche un certains nombres d’apprenants de pouvoir se rendre sur un lieu de formation. Le MOOC balaye de nouveau cette distance en offrant le savoir quelle que soit la localisation des intéressés, en zone rurale ou même à l’étranger.
Les responsabilités familiales sont susceptibles de créer de la distance avec les possibilités de formations. L’impossibilité de quitter un parent malade ou de jeunes enfants est tout autant un frein à la formation au sein des publics adultes.
La problématique financière n’est pas la moindre. En 2008, quand la crise toucha de plein fouet les universités, certaines dûrent fermer, d’autres augmenter leurs frais de scolarité12. Certes, les formations traditionnelles ont un coût, mais au-delà de ce coût, elle consomme du temps qui ne peut être utilisé pour un travail rémunéré, et elle engendre aussi des frais parallèles : achat de matériel, déplacements etc. Le MOOC par son aspect massif fait supporter ses frais à un grand nombre, et contribue à supprimer cette distance financière, soit par des prix réduits, mais aussi souvent par sa gratuité.
Les MOOC, une chance pour les publics handicapés13 :
Dans un contexte impliquant de plus en plus d’outils numériques, ces nouveaux dispositifs peuvent être un atout pour les publics dotés d’un handicap. Nous parlons alors d’accessibilité numérique. Elle concerne les non-voyants, les malentendants, mais aussi ceux qui ne disposent que d’une connexion internet faible, ou des logiciels ne permettant pas la lecture de certains fichiers. Grâce à un codage adapté, les MOOC deviennent compatibles avec les lecteurs des textes et de schémas destinés aux mal voyants, ils incluent les personnes malentendantes grâce à leur vidéos sous titrées, ou proposent des fichiers téléchargeables pour ceux qui ne possèdent pas Internet, ou pour ceux qui accèdent à la plateforme sur mobile.
L’ergonomie des MOOC peut aussi être modifiable et ainsi permettent d’inclure des publics handicapés dans les domaines cognitifs, du langage et de l'apprentissage14
Les technologies qui permettent une formation par le numérique, dont les MOOC, sont donc une chance, mais ils peuvent aussi s’avérer être un obstacle, s’ils ne sont pas pensés et conçus pour le plus grand nombre d’apprenants, quelque soit leurs particularités.
Sur le plan international, les nations unies ont adapté en 2006 la Convention relative aux droits des personnes handicapées, elle définie la responsabilité collective de la société envers ses citoyens handicapés pour qu’ils puissent être à égalité avec les citoyens valides ; le refus d’aménagement raisonnable constitue une discrimination. La directive européenne de 2016confirme cet engagement, et a été transposé dans un article de loi française en 2018. Les établissements publics, les associations et les entreprises privés dégageant un chiffre d’affaire de plus de 250 millions, sont soumis à des standards en terme d’accessibilité numérique et encourent des sanctions pénales, commerciales et économiques, si ils ne s’y conforment pas15.
Techniquement, il apparaît que les MOOC ont véritablement tout pour être massifs. Dans les faits, ils n’atteignent et ne comblent pas tous les apprenants. Améliorer leur massivité devrait donc être étudié à travers le prisme de l’enrôlement, à savoir l’engagement, et la motivation des apprenants.
Commentaires